Résidence : 11 > 15 septembre
Lieu de résidence : Lagord
Mathias Forge est « marrainé » par
Laure Terrier, artiste associée au CNAREP Sur le Pont.
En partenariat avec
Mathias Forge était en résidence de création en décembre 2022 pour une semaine de fouilles empiriques pour le programme de recherche ON AURA L’OCCASION D’Y REVENIR.
-> À La Rochelle, vous avez pu découvrir sa première création, L’Air de rien, au Fêtes le Pont en mai 2022.
Une aventure à têtes chercheuses qui prend pour terrain de jeu le rond-point tout en menant une enquête sur l’(in)utilité de nos actions hirsutes.
ÉTAPE #2 PROTOCOLE NOMADE
Le protocole nomade est une méthode de travail façonnée à six mains par le Guidon à Trois têtes. C’est un contenant suffisamment élastique pour être surpris·e·s et relativement structurant pour que l’on s’y appuie. Cette « partition » de 5 jours s’adresse à un·e seul·e performeur·se et se réitère 7 fois, tout au long de l’année 2023. Le même cadre s’applique à une nouvelle personne et sur un nouveau rond-point, à chaque version. Un entretien protéiforme, une circunambulation nocturne, un discours à adresser, une construction à faire, une carte à produire, une mission fantasque… autant de tâches qui pourront permettre aux joueur·euse·s d’aborder l’action sans se préoccuper de sa finalité, offrir leur présence et s’impliquer vivement dans l’enquête. Ce protocole se déroule dans un lieu hors du commun d’une profonde banalité : l’îlot du carrefour giratoire, envisagé comme un plateau sur lequel on s’expose, dans un relatif isolement. « Que peut-on vivre, suggérer, adresser dans cet endroit inconfortable, coincé·e·s au beau milieu des circonstances ? » L’îlot est une prison et un podium, une place empêchante mais cocasse : un tiraillement idiot qui nous donne l’occasion de voir l’artiste dans toute sa « splendeur », sa brillante nudité.
Pour cette quatrième semaine PROTOCOLE, nous serons avec Laure Terrier, danseuse et chorégraphe de la cie JEANNE SIMONE. Elle s’appellera pour l’occasion SAMEDI.
Équipe
Guidon à Trois Têtes : Mathias Forge, Julie Lefebvre, Djamila Daddi Adoun
Joueur·euse·s à casquette : Pierre Pilatte, Céline Kerrec, Camille Perrin, Sophie Borthwick, Laure Terrier, Anne-Laure Pigache, Alexandre Théry
Petit comité de têtes pensantes : Éric Alonzo, François Deck, Rémi Clot Goudard
Rétroviseur : Guillaume Bailliart
Couverture chauffante : Format
Co-productions : CNAREP Sur le Pont, La Rochelle / Superstrat, Saint-Bonnet-le-Château / Les Subsistances, Lyon / Le Coppeau, Assier / Au Bout du Plongeoir, Rennes / Format, Aubenas
Soutiens : SACD – Écrire pour la Rue 2022 / Association des CNAREP – Bourse à l’écriture Hors Cadre 2021 / DRAC Auvergne – Rhône-Alpes, aide à la production déléguée
Mathias Forge
(Roanne – 42)
Je suis né le 26 juillet 1984. J’ai été conçu dans l’engouement qui a suivi le décret 83-797 du 06 septembre 1983.
« Ce décret a modifié le code de la route en généralisant la priorité à l’anneau dans les carrefours giratoires. Cette date marque alors le coup d’envoi d’une spectaculaire explosion du nombre de giratoires dans le pays. » En quelques sortes, j’ai été conçu dans un virage…, à un tournant…
L’année de mes 10 ans, la France a déjà conçu plus de 12000 rond-points. Comment trouver de l’attention chez ses aînés face à un tel cataclysme ? Il y a une efficacité telle chez le rond-point qu’un enfant peut paraître désuet, inutile. Du moins on peut facilement se dire : «encore un qui n’inventera pas le rond-point», et faire le raccourci «encore un branleur qui va être au chômage la moitié de sa vie et occuper les ronds-points les samedis pour faire chier le monde».
J’ai 12 ans, je suis au collège, la femme qui conduit le car qui nous y mène s’appelle Marie-Claude. Nous avons deux occupations favorites :
– la motiver à klaxonner pendant le plus longtemps possible ;
– la motiver à faire plusieurs tours de ronds-points jusqu’à ce que plus personne ne puisse y entrer en ponctuant chaque tour par un OLÉ !!!
Je vis près de Roanne et la ville de Riorges (proche banlieue) devient une professionnelle en la matière. L’apogée sera bien évidemment en 1998, avec le fameux rond-point des Footballeurs. S’en suit toute une série d’événements : pique-nique du dimanche en compagnie des footballeurs, photos des groupes de musique locaux sur le rond-point, disparition de la statue de Fabien Barthez, Aymé Jacquet décapité… La liste est longue et palpitante.
Mon frère aîné fait la conduite accompagnée et me déconseille vivement d’y songer. Les principaux conflits entre lui et ma mère, tournent autour (si je puis dire) du comportement à adopter à l’approche du dit carrefour giratoire.
Nous habitons sur la Côte Roannaise, groupe de communes sur le versant des Monts de la Madeleine, reliées par la célèbre départementale numéro 8. J’avais entendu parler des querelles de clochers en jouant à la fanfare. La compétition se lance très rapidement avec la transformation de chaque carrefour sur la D8 en giratoire. Renaison ouvre le bal, puis Villemontais, puis St-André d’Apchon, Ambierle ne tarde pas, St-Haon le Vieux arrive lentement car c’est son rythme, et St-Haon le Châtel se laisse désirer car elle ne fait jamais rien comme les autres. De longues conversations nous occupent sur la question fondamentale : « qu’est ce qu’ils vont encore nous mettre dessus ? ».
À partir de 2004, je fais partie d’une association qui organise des événements culturels. Nous mettons en place pour chaque personne que nous accueillons à la gare, un parcours « touristique » qui passe par chaque rond-point de la ville de Riorges. Quelques années après, je tombe par hasard sur le livre de Éric Alonzo, Du Rond-Point au Giratoire.
Progressivement, ces endroits qui semblaient alors… de bonnes blagues, revêtent une sorte de potentiel. Et si on tentait de faire un projet avec…, dessus…, autour,… Et si on prenait la chose au sérieux… Cela se glisse dans ma tête et m’accompagne depuis 10 ou 12 ans. Une première tentative, ébauche, se tient désormais dans l’écriture de Nouvelles de NOOOONE (four Bodies) de la Cie 1Watt.
Je me suis probablement construit avec le rond-point comme modèle de réussite, presque dans une forme de rivalité, ou plutôt le giratoire comme alter ego.