Nuées d’artistes ~ Priscilla Boussiquet – Cie Autour de Peter ~

© Marie Monteiro
 
Dimanche 7 juin matin.
Port-Neuf. Place d’Ile de France.
 
La place. Vide.
La queue à l’entrée des commerces, avec les un mètre de distance entre chaque client.
Un banc avec 4 hommes, 4 hommes de la rue, certains assis, les autres debout. Des bières et du pâté sur le banc.
J’arrive, leur proposant un chant. Ils me boutadent en me disant : Oh non, on n’a pas envie de musique. C’est bon, on est tranquille là…
Un silence. Des rires. Puis très vite ils me disent : Mais non, installe-toi ! Bienvenue, on t’écoute.
Ils me font de la place sur le banc, les hommes debout s’assoient sur le bitume.
Je leur chante un chant serbo-croate et l’introduis en leur donnant la traduction, en français.
Ils m’écoutent, ils reçoivent humblement, c’est un instant de cœur à cœur. Ils sont là.
Je finis le chant en recevant leur applaudissement généreux. Ils sourient, ils sont là.
L’un me dit que cette chanson est en accord parfait avec le roman qu’il lit, et qu’il est parti loin, dans les images de son histoire.
Un autre me parle d’un documentaire qu’il a récemment vu sur la Bosnie Herzégovine et les histoires de territoires, de frontières.
Je les écoute, touchée par ce moment profondément humain.
Puis je pars, parce qu’il le faut, le cœur gros, et contente de chanter aujourd’hui.
Dimanche 7 juin après-midi.
Port Neuf. Près du lac.
 
Une table de camping face à la mer, une femme de 70 ans assise sur le banc, sa vareuse et son téléphone posés devant elle.
Floriane lui demande si ça la dérange de faire un collage sur le banc et je lui propose de lui offrir un chant du monde.
Elle nous accueille volontiers.
Elle choisit l’Afrique Centrale, puis l’Afrique du Nord et enfin de la Country !
Elle écoute, on se regarde durant toute la musique. Elle a de beaux yeux cette femme.
En partant, elle nous remercie chaleureusement puis finit avec ces mots : c’est étonnant que vous soyez arrivées à ce moment-là, vraiment étonnant. Aujourd’hui, c’est la Fête de Mères. Il y a 6 ans, j’ai perdu ma fille. C’est donc un moment particulier pour moi. Et vous arrivez. J’avais besoin de ça. Ce n’est pas un hasard. Merci, vraiment.
On se quitte en se disant qu’on est belles, avec nos quelques larmes timides.
 
Dimanche 14 juin après-midi
Villeneuve-les-Salines, pieds d’immeubles.
 
La nuée s’agrandit considérablement.
Cette fois-ci, j’ai la chance de cheminer dans la cité avec mes choristes aux grands cœurs.
Aujourd’hui, ils sont 22, colorés, et beaux comme toujours.
On commence l’échauffement vocal aux pieds d’une barre d’immeubles, les têtes intriguées et souriantes commencent à sortir des fenêtres. Des passants s’échauffent avec nous.
On commence notre parcours, notre public nous suit.
On s’arrête, on continue l’échauffement, on marche, on répète un chant japonais aux influences brésiliennes, on en offre un autre.
On marche, on chante, on marche, on chante le monde…
Plus tard, en cercle, un chant bulgare. Et toujours les habitants aux fenêtres, les sourires et les yeux bien brillants.
On marche, Wilfried arrive, on chante avec lui, en français cette fois, c’est beau, puis le public continue à cheminer avec nous.
On déambule en Cumbia jusqu’à danser sur la route sur un chant hébreu, qui en fait ralentir les voitures.
On retrouve Paulo, qui nous mène jusqu’aux Dames des Salines.
Puis Arnaud, Sébastien, Floriane, Noarnito, Wilfried. Chacun joue. On danse maori, on chante afro. Tout le monde est gai. Sur le bitume comme aux fenêtres.
Et arrive le final, on est là.
Une grande ronde de joie à la tsigane, qui célèbre nos retrouvailles.
La boucle se boucle, et c’est bon d’être ensemble…
 
Priscilla Boussiquet – Cie Autour de Peter