© Marie Monteiro
La Pallice/Laleu
Début laborieux avec une vrai difficulté à trouver le public. Beaucoup de tours en vélo de l’Intermarché au pied des immeubles mais peu d’écoute… toujours quelques habitants qui viennent aux fenêtres pour voir ce qui se passe… puis ils s’installent à leur fenêtre pour écouter en fumant leur clope ou en buvant un verre. Mais toujours peu de monde… puis je découvre un arrêt de bus où de nombreuses personnes attendent. J’en profite pour faire une belle criée. Des sourires se dessinent. Le bus arrive. Comme je n ‘avais pas fini ma criée, une bonne partie des passagers décide d’attendre le bus prochain pour entendre toute la criée. À la fin ils veulent me donner la pièce que je refuse en leur disant de la donner à des personnes plus nécessiteuses que moi. Après cette criée, je réalise que les arrêts de bus sont des stations parfaites pour mes criées et du coup je suis reparti à la recherche des arrêts.
Port Neuf
Le matin je vais crier un peu partout au pied des fenêtres pour annoncer la nuée de l’après- midi. J’en profite pour aborder toutes les personnes que je croise afin qu’elles me livrent un mot, une phrase, que je crierai pour elles. Belle récolte. À un moment, j’aborde une dame et je lui demande ce qu’elle a à crier. Elle me dit qu’elle est suivie par son ex-copain, qui la harcèle depuis le début du confinement, il vient la menacer, il vient au pied de sa fenêtre qui est au premier étage. Et elle s’inquiète beaucoup pour ses 2 enfants. Elle a fait appel à la police mais les policiers arrivent toujours trop tard. Elle a porté plainte depuis quelques mois mais le procès aura lieu à la mi-septembre et d’ici là elle ne peut rien faire. Elle me montre l’homme qui la suit, il est plus loin sur la place. Elle est complètement apeurée… elle me demande de crier « Qui peut me protéger ? ». Elle a du courage car je lui demande si je dois vraiment crier cela et elle me dit oui, que ça lui ferait du bien. Je lui conseille d’appeler une association qui s’occupe des femmes battues et je la raccompagne jusque chez elle. Sur le chemin, elle me confie que cette situation a transformé son confinement en enfer. Arrivée devant chez elle, elle me remercie grandement, me précise qu’elle n’osera pas sortir cet après-midi pour nous voir à cause de cet homme. Je vois ses deux enfants qui viennent à la fenêtre. elle me re-remercie, une larme à l’œil et rentre chez elle rejoindre ses petits. De cette histoire me revient à la gueule tout le problème des femmes battues ou agressées dans notre monde bancal. Je comprends réellement que pour certaines le confinement fut un chemin de croix douloureux et dangereux. Je peux vous dire que cette « anecdote » donne envie de crier !
Villeneuve-les-Salines
La parade-repérage du matin fut bien agréable : extrêmement plaisant d’aller crier au pied des fenêtres. De nombreuses personnes sont venues écouter. D’abord curieux, voir un peu râleurs genre « c’est quoi ce raffut dehors », mais à notre vue les visages se sont illuminés. Je pense notamment à une vieille dame à sa fenêtre qui n’a pas arrêté de nous remercier en nous disant que ça lui faisait du bien de voir de la vie, des artistes. Notre passage sonnant pour la plupart d’entre eux, la fin de cette période bizarre, la réappropriation de la rue, avec ces rencontres et ces joies.
L’après-midi, j’ai beaucoup circulé dans tout le quartier. Il y a eu une belle criée du côté des jardins partagés où j’ai trouvé 2 familles installées dans l’herbe, ils m’ont interpellé pour que je vienne et j’ai pu leur faire une criée complète (plus de 25 minutes !) paisible, au milieu d’un potager… il y avait quelque chose hors du temps.
Plus tard à l’entrée d’une tour, je vois 3 personnes qui se disputaient, je vais vers eux pour essayer de calmer le ton. Je leur demande ce que chacun a à dire… c’est quoi le problème. Du coup je prends les témoignages de chacun et je les crie. Les trois rigolent en entendant les avis des autres. Ils se trouvent un peu bêtes car s’ils avaient pris le temps de parler avant de s’énerver, ils auraient résolu leur problème sans se prendre le bec. Ils ont donc fini par se réconcilier en comprenant les raisons de chacun (c’était un souci de place de parking). Du coup, ils m’ont demandé de leur faire une mini-criée et ils ont bien rigolé ensemble. À la fin nous étions une bande de potes ! hihi….
Et puis durant ces 3 jours j’ai croisé beaucoup de monde qui cherchait les artistes… et moi je ne savais pas toujours où vous étiez alors je leur disais : « C’est comme Charlie, il faut les trouver. Suivez les voix ou la musique ou le brouhaha »…
François Delime, crieur – Autour de Peter